Certaines personnes assurent que les chants homophobes régulièrement entendus dans les stades de football font partie d’un « folklore » et occultent le caractère discriminatoire des propos tenus. De leur côté, plusieurs associations et clubs sportifs s’insurgent de cette normalisation de la culture homophobe et préconisent des actions pour la combattre. Notamment la confluence des luttes !
Les insultes et chants homophobes ont la peau dure lors des matchs de football et plusieurs cas ont défrayé la chronique ces derniers mois. Le 24 septembre 2023, des supporters parisiens avaient par exemple entonné des chants à caractère homophobe à l’encontre des joueurs marseillais pendant une rencontre disputée dans la capitale. Plus récemment, la Commission de discipline de la LFP (Ligue de football professionnel) a infligé une amende de 70 000 euros au club de Rennes pour des insultes homophobes entendues dans son stade...
Le ballon rond est-il davantage touché par l’homophobie que les autres pratiques sportives ? « Cela s’exprime peut-être plus dans un sport qui est une véritable fabrique de la masculinité », note dans un premier temps Veronica Noseda des Dégommeuses, un club de football féministe luttant contre les discriminations dans le sport et par le sport.
« Tout ce qui transgresse les frontières de genre est donc rejeté du terrain. »
« Mais je pense que le foot reflète surtout de façon magnifiée ce qui se passe dans la société », poursuit-elle.
« Dégrader l’adversaire avec des insultes homophobes est aussi commun dans des cours d’école que dans des stades. »
Les équipes masculines les plus notoires représentent certes le modèle alpha de la virilité, mais la surmédiatisation des matchs de ballon rond accentue (et visibilise de ce fait) l’homophobie ambiante dans les stades. Un tel effet de loupe ne peut avoir comme conséquence qu’une exacerbation de la réalité...
Pas de folklore…
« L’homophobie dans le football s’exprime de la même manière que l’homophobie dans la société », confirme Joël Deumier, président de l’association SOS homophobie.
« Mais il y a une forme d’homophobie décomplexée avec l’utilisation de mots comme "pédé" ou "enculé" dans les enceintes de foot pour insulter l’adversaire et le dégrader. Cette réalité nous inquiète et il faut lutter contre. »
Parler de « folklore inaliénable au football » pour justifier un chant à caractère homophobe dans un stade est « une excuse qui est utilisée à chaque fois qu’on a un propos discriminatoire », indique Veronica Noseda des Dégommeuses.
« Ce sont des choses qu’on dit pour diminuer la portée de ces paroles. Mais la réalité est que l’on on colporte une vision homophobe ou raciste en utilisant des propos discriminatoires, même si on ne l’est pas soi-même. »
Si certains concèdent clairement que le mot « pédé » est ostentatoirement homophobe, le mot « enculé » résiste aux multiples revendications des communautés offensées par ce terme. « Parfois, on utilise ce mot de façon tellement mal avisé qu’on oublie qu’il visait principalement les homosexuels », nous raconte Joël Deumier.
« Par essence, ce mot est utilisé par des personnes pour dégrader autrui. Ces insultes génèrent des violences, du rejet et des discriminations. C’est à ce titre qu’elles doivent être évitée et condamnées. »
Pour le président de SOS homophobie, des sanctions claires doivent d’ailleurs s’appliquer dès lors que certaines personnes entonnent des insultes à caractère homophobe dans les stades. Il rappelle que « le droit français pénalise ces propos. Il faut donc que les sanctions soient appliquées, soit par un juge, soit par la LFP qui a une instante disciplinaire pour punir ceux et celles qui tiennent des chants homophobes. »
… une confluence des luttes !
Cependant, il est surtout primordial de mettre en place des campagnes de prévention dans les clubs de football amateurs, en mutualisant les forces avec les associations de lutte contre les discriminations ! Écouter et discuter avec leurs adhérents, afin de les sensibiliser à la gravité de l'homophobie. La violence verbale des insultes homophobes, c’est à la fois le point de départ et la conséquence d’une violence sociale et discriminatoire envers les personnes LGBTQIA+.
Pour SOS homophobie, comme pour Les Dégommeuses, la mise en place d’un dialogue avec les joueurs professionnels est également nécessaire. Ces derniers sont les ambassadeurs de leurs équipes et ont une influence, et par conséquent un pouvoir de sensibilisation, importante sur leurs supporters. « Si un joueur vedette fait un message sur les réseaux sociaux, pour sensibiliser son public, ça aura peut-être un impact », estime par exemple Veronica Noseda.
Ce positionnement est tout de même susceptible d’avoir des conséquences... Car s’afficher en tant qu’allié des luttes LGBTQIA+ n’est en effet pas toujours une mince affaire. « Les joueurs ont beaucoup à perdre », indique la membre des Dégommeuses.
« Leur image est leur gagne-pain, leur fonds de commerce. »
Les rouages des discriminations systémiques s’abattent différemment sur les minorités, mais les violences et les stigmates qui en découlent restent les mêmes. La sensibilité d’une communauté devrait faire écho à celle d’une autre. Une projection qui n’est pas forcément systémique, mais qui se doit d’être défendue pour atteindre une confluence des luttes contre toutes les formes de discrimination !
« Il y a plusieurs joueurs de football qui ont vécu des discriminations racistes », rappelle Véronica Noseda.
« Je pense donc qu’on pourrait créer des liens entre ces expériences personnelles. »
Si les insultes racistes dans les stades sont violemment réprimées, cela devrait être aussi le cas avec les chants homophobes. Mais, pour se faire, une réelle compréhension de la portée des mots doit opérer. Dans la même mesure où les communautés discriminées à cause de leur ethnie ou de leur religion dénoncent et militent contre les insultes racistes, celles discriminées pour leur genre ne devraient pas être remises en question.
« Mais, moi, je suis plutôt optimiste », conclut Veronica Noseda.
« Je pense qu’il y a moins d’homophobie qu’il y a quelques années, que la société change et qu’elle est plus ouverte par rapport à ces questions. »
Mais le combat n’est toutefois pas terminé...
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